Le Conseil fédéral recommande le rejet

Dans son message, le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire "Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre" et recommande son rejet le 29 novembre prochain.

Le Conseil fédéral recommande de rejeter l'initiative "Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre".

Le 14 juin 2019, le Conseil fédéral a adopté le message relatif à l’initiative populaire “Pour l’interdiction de financer les producteurs de matériel de guerre”. Il recommande le rejet de cette initiative. Le Conseil fédéral estime en effet que l’approche suivie par l’initiative et les mesures envisagées ne sont pas appropriées. En outre, l’interdiction de financement aurait des répercussions négatives sur les activités de la BNS, des fondations et des caisses de pension ainsi que sur l’AVS/AI/APG, qui seraient toutes touchées de manière disproportionnée. En outre, l’initiative remet en question de manière plus globale la place financière suisse et affaiblit l’industrie suisse MEM.

L’initiative populaire veut interdire le financement des fabricants de matériel de guerre dans le monde entier. Elle propose donc d’interdire à la Banque nationale suisse (BNS), aux fondations et aux caisses de pension de financer des entreprises qui réalisent plus de 5% leur chiffre d’affaires dans la fabrication de matériel de guerre. En outre, la Confédération devrait travailler au niveau national et international pour s’assurer que les mêmes conditions s’appliquent aux banques et aux compagnies d’assurance.

Le Conseil fédéral comprend l’intention des initiants de contribuer à un monde plus pacifique. La Suisse s’y engage déjà de nombreuses manières. En outre, il existe déjà une interdiction du financement des armes nucléaires, biologiques et chimiques, des armes à sous-munitions et des mines antipersonnel.

 

Une initiative inefficace

Une interdiction mondiale du financement des investissements dans l’industrie de la défense n’est pas réaliste.  Il n’existe de volonté pour un tel projet, ni dans le cadre des Nations Unies ni dans d’autres organismes internationaux. Une interdiction de financement en Suisse n’aurait aucun effet en raison du manque d’influence sur la demande mondiale de matériel de guerre et sur l’offre mondiale de ce matériel.

Si l’initiative est acceptée, la BNS, les fondations, les caisses de pension et l’AVS/AI/APG devront notamment veiller à ne pas investir les actifs qu’ils gèrent dans des fonds qui contiennent (ou représentent) des participations dans des entreprises qui réalisent plus de 5% de leur chiffre d’affaires annuel dans la production de matériel de guerre. En fin de compte, cela devra également s’appliquer aux banques et aux compagnies d’assurance. Étant donné qu’un portefeuille d’investissement mondial peut contenir des actions de plusieurs milliers d’entreprises, l’interdiction de financement pourrait difficilement être mise en œuvre par des moyens raisonnables. Soit les acteurs concernés devraient limiter leurs investissements à des entreprises spécifiques où la production de matériel de guerre peut être exclue, soit ils devraient s’assurer chaque année, que les investissements réalisés le soient dans des entreprises dont moins de 5% du chiffre d’affaires est généré par la production de matériel de guerre. La première entraînerait un risque d’investissement fortement accru (risque de concentration) en raison d’une diversification insuffisante, tandis que la seconde impliquerait une charge administrative fortement accrue et donc des coûts élevés.

 

Une initiative préjudiciable

L’initiative ferait peser une charge encore plus lourde sur le système de prévoyance publique, déjà confronté à des défis majeurs en termes de démographie et de taux d’intérêt bas. Les quelques 1 700 caisses de pension suisses, qui gèrent environ 820 milliards de francs de cotisations et les actifs de l’AVS/AI/APG d’environ 34 milliards de francs seraient particulièrement touchés. Dans le cas des banques, des compagnies d’assurance, des fondations et des fonds de pension, l’interdiction de financement représente également une atteinte à l’investissement privé. En effet, les citoyens se verraient refuser des possibilités d’investissement pour leurs avoirs, alors que dans le même temps, celles-ci sont possibles au niveau international.

Cette restriction imposée aux banques, en particulier dans le domaine de la gestion des actifs et du crédit, est disproportionnée et affaiblirait non seulement la place financière suisse, mais également la Suisse en tant que place économique. Cela serait encore plus difficile pour les PME locales de l’industrie MEM d’accéder au crédit, notamment dans le cas où celles-ci s’avèreraient faire partie de la chaîne d’approvisionnement d’entreprises de défense suisses ou étrangères. L’industrie MEM emploie au total environ 320 000 personnes et comprend quelque 13 423 entreprises, dont 13 218 sont des micro-entreprises et des PME (représentant 98 % des entreprises du secteur). Elle génère par ailleurs 7,3 % (2017) du produit intérieur brut suisse !

Enfin, l’initiative remet en question l’indépendance de la BNS car elle rend impossible la poursuite d’une politique d’investissement favorable et neutre sur le marché. Elle créerait également un précédent pour d’autres produits tels que le tabac, l’énergie du charbon, l’eau et la nourriture. L’initiative populaire a été présentée le 21 juin 2018 avec 104 612 signatures valables.